NewsletterNewsletter n°188 – Août 2024
Représentants du personnel: L’absence de circonstance exceptionnelle justifiant la réalisation d’heures de délégation supplémentaires justifie une retenue proportionnelle du salaire.
En application des dispositions de l’article L.2143-17 du Code du travail, les heures de délégation sont, de plein droit, considérées comme temps de travail et payées à l’échéance normale. Néanmoins, lorsque le salarié délégué syndical dépasse son crédit d’heures sans être en mesure d’en justifier « par des circonstances exceptionnelles », l’employeur peut effectuer une « retenue sur salaire […] sous la condition de respecter la fraction saisissable du salaire », prévue à l’article L.3251-3 du Code du travail (Cass. Soc, 10 juillet 2024, n°23-11.770).
Reclassement du salarié apte à temps partiel: Le salarié qui refuse la modification de son contrat de travail à la suite de l’avis du médecin du travail, a droit au maintien de sa rémunération.
Les dispositions de l’article L.1226-8 du Code du travail précisent qu’en cas de suspension du contrat de travail pour cause d’accident du travail, le salarié retrouve, à l’issue de la suspension, son emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération équivalente. Dans cet arrêt, la Cour de cassation a précisé les conditions de maintien du salaire en cas d’avis d’aptitude à temps partiel. En l’espèce, une salariée victime d’un accident du travail a été déclarée apte à temps partiel par la médecine du travail. Elle s’est vue proposer un nouveau poste conforme auxdites recommandations. Comme le nouveau poste correspondait à une modification de son temps de travail et donc d’un élément essentiel de son contrat de travail, l’accord de la salariée était nécessaire. La Cour de cassation juge que « lorsqu’un salarié refuse la modification de son contrat de travail résultant des préconisations du médecin du travail », l’employeur doit maintenir le contrat et le salarié peut « prétendre au maintien de son salaire jusqu’à la rupture du contrat » (Cass. Soc, 19 juin 2024, n°22-23.143).
Période d’essai du contrat à durée indéterminée: La durée des contrats à durée déterminée, même discontinus, s’impute sur l’éventuelle période d’essai du contrat à durée indéterminée qui les suit.
En application de l’article L.1243-11 du Code du travail, lorsqu’un salarié est recruté pour un contrat à durée indéterminée à la suite d ‘un ou plusieurs contrats à durée déterminée, la durée de ces contrats est déduite de la période d’essai. Dans les faits de l’arrêt du 19 juin 2024, une salariée avait été embauchée par trois contrats à durée déterminée successifs, séparés par de courtes interruptions, avant d’être embauchée en CDI. Pour l’employeur, la période d’interruption entre les différents contrats à durée déterminée empêchait d’imputer la durée des CDD sur la période d’essai du CDI. La Cour de cassation juge au contraire que la salariée ayant exercé «en qualité d’infirmière dans différents services de soins », il n’y avait « aucune discontinuité fonctionnelle , ce dont il résultait que la même relation de travail s’était poursuivie avec l’employeur[…], ainsi la durée des trois contrats de travail à durée déterminée devait être déduite de la période d’essai » (Cass. Soc, 19 juin 2024, n°23-10.783).
Licenciement économique: Peuvent solliciter le paiement de l’indemnité supra légale prévue par le PSE, les salariés licenciés dans les 30 jours précédant la première réunion de mise en œuvre du plan.
En l’espèce, une entreprise a procédé à deux procédures de licenciements pour motif économique. La première ne concernait que deux salariés, de sorte qu’aucun PSE n’avait été évoqué. A l’inverse, dans le cadre d’une seconde procédure, initiée seulement 25 jours plus tard, le CSE a été consulté eu égard à la mise en œuvre d’un PSE. La Cour de cassation a jugé que les deux premiers salariés licenciés « moins de trente jours avant la réunion » de consultation du CSE, étaient fondés à obtenir réparation du préjudice résultant de la non-application du PSE, en raison du principe d’égalité de traitement entre les salariés. En effet, pour la Cour de cassation, « le salarié, qui était placé dans la même situation que ses collègues visés par le projet de grand licenciement collectif, à raison des mêmes difficultés économiques, avait été injustement privé du bénéfice de l’indemnité de licenciement supra légale prévue par le plan de sauvegarde de l’emploi pour les salariés dont l’ancienneté était équivalente à la sienne » et était dès lors fondé à en demander la réparation (Cass. Soc, 26 juin 2024, n°22-20.521).
Pouvoir disciplinaire de l’employeur: Le directeur des ressources humaines d’une succursale ne dispose pas du pouvoir de sanctionner son supérieur hiérarchique.
En vertu de l’article L.1332-4 du Code du travail, l’employeur dispose d’un délai de deux mois, à compter de la connaissance de faits fautifs, pour engager une procédure disciplinaire à l’encontre d’un salarié. La Cour de cassation a précisé que le point de départ de la prescription ne pouvait courir qu’à compter de la découverte des faits par l’employeur, à savoir : celui disposant de « l’autorité hiérarchique sur l’auteur des manquements » et ayant la « qualité pour contrôler le salarié ou surveiller son activité », ce qui exclut toute personne lui étant subordonnée. En l’espèce, le directeur des ressources humaines d’une succursale n’étant pas le supérieur hiérarchique du directeur de la succursale, et ne disposant pas du pouvoir de le sanctionner, la découverte des faits fautifs du directeur par le DRH n’était pas de nature à faire courir le délai de prescription (Cass. Soc, 26 juin 2024, n°23-12.475).
Harcèlement et enquête interne: La mise en œuvre d’une enquête interne n’est pas obligatoire en cas de dénonciation de faits de harcèlement.
En cas de dénonciation de faits de harcèlements, il appartient à l’employeur de prendre toutes les « mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité » de ses salariés. Il relève de l’office des juges du fond de déterminer si l’action de l’employeur était suffisante. La Cour de cassation reconnaît en l’espèce que « nonobstant l’absence d’enquête interne, [l’employeur] n’avait pas manqué à son obligation de sécurité ». Ainsi, l’absence de mise en œuvre d’une enquête interne ne suffit pas de facto à caractériser le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. L’enquête interne reste toutefois l’un des éléments permettant à l’employeur de correctement appréhender la dénonciation de faits de harcèlement (Cass. Soc, 2 juin 2024, n°23-13.975).