NewsletterNewsletter n°189 – Septembre 2024
TELETRAVAIL: Télétravailler depuis l’étranger sans autorisation peut constituer une faute grave.
Une salariée embauchée en CDI en mai 2019 en qualité d’analyste flux et conformité obtient, à l’issue de ses congés payés d’été 2020 passés au Canada, l’accord de son employeur pour télétravailler provisoirement depuis ce pays dans l’attente d’un nouveau vol retour, son vol initial ayant été annulé. Souhaitant s’installer définitivement au Canada, elle sollicite une rupture conventionnelle de son contrat de travail, qui lui est refusée, avant d’informer son employeur de son intention de démissionner avec une date de fin de contrat au 31 décembre 2020. Puis, invoquant une situation financière difficile, la salariée demande à poursuivre son contrat de travail, toujours en télétravail, depuis le Canada jusqu’à mi-février 2021. Malgré l’absence de réponse favorable, la salariée ne démissionne pas. Interrogée par son supérieur hiérarchique en mars 2021 sur son activité réduite en matinée, la salariée l’informe finalement qu’elle se trouve au Canada et demande à télétravailler en horaires décalés depuis ce pays. L’employeur refuse et lui demande de se présenter sur son lieu de travail une dizaine de jours plus tard, ce qu’elle ne fait pas. La salariée est alors licenciée pour faute grave. A juste titre, selon le conseil de prud’hommes de Paris, qui s’appuie non seulement sur les risques encourus par la société du fait de l’activité de la salariée sur le territoire canadien sans aucune autorisation des autorités canadiennes et en violation des règles sur le règlement général sur la protection des données (RGPD), mais aussi sur un certain nombre de faits qui constituent, de la part de la salariée, une violation des obligations résultant de son contrat de travail, notamment le fait de ne pas avoir recueilli l’accord préalable de son employeur pour télétravailler depuis le Canada, ou d’avoir adopté une attitude déloyale en lui dissimulant ce télétravail (Conseil de prud’hommes de Paris, 1er août 2024, RG n°21/06451).
INAPTITUDE: La proposition de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail est présumée être loyale.
En l’espèce, un salarié contestait son licenciement pour inaptitude pour non-respect de l’obligation de reclassement. L’employeur lui avait proposé neuf postes au sein du groupe, conformes aux préconisations du médecin du travail, mais ils étaient tous éloignés géographiquement du domicile du salarié, raison pour laquelle celui-ci les avait refusés. La cour d’appel lui donne raison après avoir relevé qu’il existait de nombreux autres postes à pourvoir et que la société ne produisait pas le registre unique du personnel de ses établissements situés en Normandie. Elle en avait déduit qu’à défaut de rapporter la preuve qu’il n’existait pas en Normandie de postes disponibles compatibles avec les qualifications et capacités physiques restantes du salarié, l’employeur n’avait pas respecté son obligation de reclassement dans des conditions suffisamment loyales et sérieuses. La Cour de cassation considère que la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et juge au contraire que, lorsque l’employeur propose un emploi conforme, l’obligation de recherche de reclassement est réputée satisfaite et il appartient alors au salarié de démontrer que cette proposition n’a pas été faite loyalement (Cass. Soc. 4 septembre 2024, n°22-24.005).
EXPERTISE DU CSE: Un tribunal judiciaire peut juger que l’expertise réclamée par le CSE revêt un caractère abusif.
Le CSE d’un centre d’appel déclenche un droit d’alerte économique, dans le cadre duquel il décide de recourir à un expert-comptable. L’employeur saisit le tribunal judiciaire aux fins d’annuler la délibération du CSE. Il obtient gain de cause, le tribunal estimant que la décision de recourir à un expert dans le cadre de la procédure d’alerte économique est abusive « en considération du fait qu’elle avait été précédée, moins de deux mois avant, de la désignation du même cabinet pour effectuer une expertise dans le cadre de l’information-consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise » et « que chaque expertise représentait une dépense de 30 000 euros qu’il paraissait nécessaire de rationaliser au vu des difficultés économiques de l’entreprise » (Cass. Soc, 11 septembre 2024, n°23-12.500).
LICENCIEMENT PERSONNEL: Une salariée ne peut pas être licenciée pour faute grave en raison de faits imputables à son compagnon.
Une salariée se rend sur le parking de son entreprise, avec son compagnon, à une heure matinale avant de commencer sa journée de travail. Une altercation a lieu entre ce dernier et le supérieur hiérarchique de la salariée. La salariée est licenciée pour faute grave en raison de cet incident, ce qu’elle conteste. Pour la cour d’appel, son licenciement disciplinaire est justifié, dès lors qu’elle était en congés le jour de l’incident et n’avait aucune raison de se trouver sur le parking de l’entreprise tôt le matin. Elle s’y était rendue avec son compagnon, ancien salarié de l’entreprise licencié pour des faits de violence commis à l’égard d’un autre supérieur hiérarchique. Mais cette décision est censurée par la Cour de cassation, qui rappelle un principe bien établi selon lequel le comportement fautif retenu comme cause du licenciement ne peut résulter que d’un fait imputable au salarié. Puis elle relève que l’altercation, qui s’était produite hors du temps et du lieu de travail, avait opposé le supérieur hiérarchique de la salariée et son compagnon. La Cour de cassation en déduit qu’aucune faute personnellement imputable à la salariée ne pouvait lui être reprochée, de sorte qu’un licenciement disciplinaire ne pouvait pas être prononcé à son égard (Cass. Soc. 11 septembre 2024, n°23-15.406).
CONGE MATERNITE: Le manquement de l’employeur à son obligation de ne pas faire travailler une salariée pendant son congé de maternité ouvre nécessairement droit à réparation.
Une salariée demandait le paiement de dommages-intérêts pour violation de l’obligation en matière de sécurité et de santé au travail en raison de la fourniture d’un travail pendant son congé maternité. Elle est déboutée par la cour d’appel au motif qu’elle ne justifie d’aucun préjudice. Mais la Cour de cassation n’est pas de cet avis : le seul constat du manquement de l’employeur à son obligation de suspendre toute prestation de travail durant le congé de maternité ouvre droit à réparation pour la salariée (Cass. Soc. 4 septembre 2024, n°22-16.129).
TEMPS DE PAUSE: Le seul constat du non-respect du temps de pause quotidien ouvre droit à réparation.
Une salariée demandait la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour divers motifs. Elle sollicitait notamment une indemnisation pour manquement à la réglementation sur la durée du travail, l’employeur n’ayant pas respecté la règle des 20 minutes de pause obligatoire dès que le temps de travail quotidien atteint six heures. Les juges du fond rejettent la demande de la salariée, puisqu’elle ne démontrait pas en avoir subi un quelconque préjudice. Mais les juges de cassation ne sont pas de cet avis : le seul constat du non-respect des règles relatives aux temps de pause ouvre droit à réparation, sans que la salariée ait à établir la réalité de son préjudice. Ils retiennent d’ailleurs la même solution pour avoir fait travailler la salariée alors qu’elle se trouvait en arrêt maladie, la faisant venir à trois reprises sur son lieu de travail pour y accomplir, ponctuellement et sur une durée limitée, une tâche professionnelle (Cass. Soc. 4 septembre 2024, n°23-15.944).