NewsletterNewsletter n°190 – Octobre 2024
CONGE MATERNITE: Travailler pendant un congé maternité ou un arrêt maladie ouvre droit pour la salariée à des dommages et intérêts, mais pas à un rappel de salaire.
Une salariée en congé maternité, puis en arrêt maladie, soutenait que son employeur l’avait contrainte à travailler pendant ces deux périodes, alors que son contrat était suspendu. A cet égard, elle réclamait, outre le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi d’avoir eu à travailler pendant son congé, un rappel de salaire pour ses heures travaillées. Saisie de la question du mode de réparation à adopter, la Cour de cassation rappelle que, du fait du manquement de son employeur, la salariée « ne pouvait prétendre à un rappel de salaire en paiement des heures de travail effectuées et pouvait seulement réclamer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi » (Cass. Soc. 2 octobre 2024, n°23-11.582).
CONGE SABBATIQUE: En l’absence de réponse de l’employeur, le congé sabbatique, même demandé tardivement, est considéré comme étant accordé.
En l’espèce, une salariée avait sollicité un congé sabbatique sans respecter le délai légal de prévenance de trois mois, applicable en la matière. Elle avait pris son congé sabbatique sans attendre le retour de son employeur, lequel n’avait pas répondu à sa sollicitation dans le délai légal de 30 jours, à l’issue duquel le silence de l’employeur vaut acceptation. La salariée a ensuite été licenciée pour faute grave en raison de son absence injustifiée. Si la Cour de cassation admet que l’absence de respect du délai de prévenance de la salariée contrevient aux dispositions en vigueur, elle estime néanmoins que « l’employeur n’avait pas répondu à la demande de congé sabbatique dans le délai de trente jours suivant sa présentation, ce dont [la Cour d’appel de Paris] aurait dû déduire que l’accord de l’employeur était réputé acquis et que l’absence de la salariée n’était pas fautive ». Ce faisant, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 2 octobre 2024, n°23-20.560).
PROTECTION DES DONNÉES: Pour prouver une discrimination syndicale, la production de bulletins de paie d’autres salariés est autorisée sous réserve des respecter les dispositions du RGPD.
S’estimant victime de discrimination syndicale, un salarié sollicitait la communication de l’historique de carrière de neuf de ses collègues. La société refusait cette communication sur le fondement de la protection des données personnelles des autres salariés, considérant que cela contreviendrait aux dispositions du RGPD. La Cour de cassation autorise la production desdits documents, en rappelant que cette mesure doit être « nécessaire et proportionnée dans une société démocratique ». La Cour rappelle cependant que le respect du RGPD impose notamment au juge de « veiller au principe de minimisation des données à caractère personnel, en ordonnant, au besoin d’office, l’occultation, sur les documents à communiquer par l’employeur au salarié demandeur, de toutes les données à caractère personnel des salariés de comparaison non indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi ; pour ce faire, il lui incombe de s’assurer que les mentions, qu’il spécifiera comme devant être laissées apparentes, sont adéquates, pertinentes et strictement limitées à ce qui est indispensable à la comparaison entre salariés en tenant compte du ou des motifs allégués de discrimination » (Cass. Civ.2., 3 octobre 2024, n°21-20.979).
TEMPS DE REPOS: L’impossibilité de joindre un salarié pendant ses jours de repos ne saurait être retenue comme une faute justifiant une sanction disciplinaire.
Un chauffeur routier a été licencié pour faute grave, pour ne pas avoir répondu aux appels et messages de son employeur durant ses jours de repos. Il conteste cette décision et obtient gain de cause, la Cour de cassation précisant que « le fait de n’avoir pu être joint en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvu de caractère fautif et ne permet donc pas de justifier une sanction disciplinaire » (Cass. Soc. 9 octobre 2024, n°23-19.063).
ELECTIONS ET FRAUDE: En cas de fraude, l’élection professionnelle n’est pas annulée si elle n’a eu aucune conséquence sur le résultat.
Des élections professionnelles en vue du renouvellement du CSE ont été organisées dans un établissement. A l’issue du second tour, 75 suffrages sont exprimés et 79 bulletins sont comptabilisés. Un syndicat élu titulaire au CSE saisit le tribunal judiciaire d’un recours en annulation du second tour des élections du collège électoral concerné. La Cour de cassation rejette le recours, jugeant « que ces bulletins supplémentaires n’avaient eu aucun impact sur le résultat des élections au regard des suffrages obtenus par les deux listes en présence », confirmant ainsi la décision des juges du fond (Cass. Soc. 9 octobre 2024, n°23-14.585).
ACCIDENT DU TRAVAIL: Sortir en pleurs d’un entretien préalable ne suffit pas à caractériser un accident du travail.
Une salariée avait été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction. Au sortir de l’entretien, la salariée éclate en sanglots. Elle est ensuite arrêtée un mois par son médecin traitant, en raison d’une « souffrance au travail » et d’un « état anxio-dépressif ». L’employeur procède à la déclaration d’accident du travail en émettant des réserves. La CPAM reconnaît l’origine professionnelle de l’accident, ce que l’employeur conteste devant les juridictions compétentes, remettant notamment en cause la matérialité de l’accident. Le tribunal judiciaire relève un manque d’éléments probants permettant d’établir un lien entre l’entretien et de réelles lésions de la salariée, « s’agissant d’une simple manifestation émotionnelle dont il n’est pas établi que la cause serait en lien avec le travail ». La caractérisation d’accident du travail est donc écartée, ce que confirme la Cour d’appel de Paris, jugeant que la CPAM « échoue alors à rapporter la preuve de la survenance soudaine d’une lésion dans le cadre de l’entretien qui a eu lieu le 20 février 2018, cause alléguée de la déclaration d’accident du travail litigieuse » (CA de Paris, 4 octobre 2024, n°21/08501).
RECLASSEMENT D’UN SALARIE INAPTE: Le refus d’une proposition de poste par un salarié inapte n’exonère pas l’employeur de rechercher activement d’autres options de reclassement.
Une salariée est déclarée inapte par le médecin du travail, sans dispense de reclassement pour l’employeur, lequel identifie au moins deux postes compatibles avec les préconisations du médecin du travail. Il propose à la salariée un seul des deux postes et celle-ci refuse la proposition en raison d’un déclassement fonctionnel et salarial. L’employeur prononce son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement. La salariée conteste le bien-fondé de son licenciement en raison du manquement de son employeur à son obligation de reclassement. A juste titre, selon la Cour de cassation, qui retient que « le refus par la salariée du poste de reclassement proposé n’implique pas à lui seul le respect de l’obligation de recherche de reclassement par l’employeur » (Cass. Soc. 16 octobre 2024, n°23-13.002).