NewsletterNewsletter n°191 – Novembre 2024
OBLIGATION DE RECLASSEMENT: Charge de la preuve du périmètre de reclassement au sein d’un groupe.
Un salarié victime d’un accident du travail a été licencié pour inaptitude en raison de l’impossibilité de le reclasser au sein du groupe. Travaillant pour une société détenant le capital d’autres sociétés, le salarié arguait que l’employeur ne s’était pas suffisamment acquitté de son obligation de reclassement, puisque la proposition de reclassement n’avait pas été étendue aux sociétés détenues. Selon la Cour de cassation, « si la preuve de l’exécution de l’obligation de reclassement incombe à l’employeur », celui-ci ne « justifiait pas avoir satisfait à son obligation de reclassement dans un périmètre pertinent ». Ce faisant, une société appartenant à un groupe doit étendre la recherche de reclassement aux sociétés qu’elle détient pour se conformer à son obligation de reclassement (Cass. Soc., 6 novembre 2024, n°23-15.368).
DISCRIMINATION ET CHARGE DE LA PREUVE: Le salarié doit apporter des éléments laissant supposer une discrimination ; l’employeur doit ensuite prouver l’absence de discrimination.
En l’espèce, un salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail, invoquant avoir été victime de discrimination de la part de son employeur. Celui-ci n’avait pas réagi à la suite de la dénonciation du salarié qui l’avait informé être victime de propos racistes. La Cour de cassation rappelle une jurisprudence constante sur la charge de la preuve : en matière de discrimination, il appartient au salarié d’apporter des éléments laissant supposer une discrimination, puis « il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination » (Cass.Soc., 14 novembre 2024, n°23-17.917).
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL ET PRESCRIPTION: L’absence de signature du solde de tout compte ne fait pas courir le délai de prescription.
Un salarié a été licencié puis incarcéré quelques semaines plus tard. Quatre ans plus tard, à sa sortie de détention, il saisit le conseil de prud’homme, arguant qu’il n’avait pas signé son solde de tout compte et n’avait ainsi jamais accepté les sommes afférentes. Saisie de la question de la prescription de la contestation du solde de tout compte, la Cour de cassation estime que « le solde de tout compte non signé par le salarié […] n’a aucun effet sur le délai de prescription qui ne court pas ». De plus, la Cour précise que, si l’action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans, ce délai de prescription est suspendu par l’incarcération du salarié, laquelle constitue un « cas d’impossibilité d’agir à la suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure » (Cass. Soc., 14 novembre 2024, n°21-22.540).
REMUNERATION: Un salarié en activité partielle perçoit une indemnité horaire pendant les jours fériés.
En l’espèce, un syndicat venait aux droits des salariés placés en activité partielle pour reprocher à l’employeur de ne pas avoir rémunéré leurs jours fériés. La Cour de cassation distingue la rémunération des jours fériés ouvrés et des jours fériés normalement chômés. Les premiers ouvrent droit à une rémunération horaire dans le cadre de l’activité partielle, valorisée en fonction d’un pourcentage de leur rémunération, fixé par décret. Les seconds n’entrent pas dans le cadre de l’activité partielle et doivent être pris en charge entièrement par l’employeur, dans le cadre habituel du versement des salaires (Cass. Soc., 6 novembre 2024, n°22-21.966).
EMPLOI DES SENIORS: Un accord national interprofessionnel prévoit la mise en place de nouvelles dispositions sur l’emploi des « salariés expérimentés ».
Les partenaires sociaux sont parvenus à élaborer un accord national interprofessionnel portant sur l’emploi des « salariés expérimentés ». Les principales mesures contenues dans cet accord sont les suivantes : renforcement du dialogue social portant sur ce sujet au sein des branches professionnelles (article 1.1) et des entreprises (article 1.2), renforcement des entretiens professionnels pour préparer la seconde partie de carrière (article 2.1) et la dernière partie de carrière (article 2.2), ou encore création d’un contrat de valorisation de l’expérience (article 3.1.4). Parmi les mesures phares de cet accord peuvent être nommées les dispositions relatives à la mise en place d’un temps partiel de fin de carrière (article 4.2), l’abaissement de l’âge d’accession à la retraite progressive à 60 ans (article 4.3.1) ou encore la hausse du montant de la pension de retraite pour les personnes ayant effectué un cumul emploi-retraite (article 4.3.2) (ANI du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés).
CADRE DIRIGEANT: Pour qualifier un salarié de cadre dirigeant, il est nécessaire d’apprécier sa participation effective à la direction de l’entreprise.
Selon l’article L.3111-2 du Code du travail, trois conditions cumulatives sont nécessaires pour qualifier un salarié de cadre dirigeant : 1) des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, 2) une habilitation à prendre des décisions de façon largement autonome, 3) une rémunération parmi les plus élevées. La Cour de cassation vient de préciser que les cadres dirigeants étaient ceux participant effectivement à la direction de l’entreprise, et non uniquement en fonction du titre ou du statut du salarié dans l’entreprise (Cass. Soc., 14 novembre, n°23-16.188).
DEMISSION: Pour être valable, la démission ne doit pas être équivoque.
En l’espèce, un salarié avait cessé de se rendre sur son lieu de travail, après que son employeur l’avait enjoint de ne plus se présenter à son poste. Le salarié avait ensuite adressé deux lettres à son employeur, dénonçant l’absence de fourniture de travail. Le salarié finissait par démissionner et saisissait ensuite le conseil de prud’hommes, arguant que sa démission résultait d’un différend avec son employeur, et que sa démission devait être requalifiée en prise d’acte, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Cour de cassation rappelle sa jurisprudence constante : si le salarié donne sa démission, et « qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, (il convient de) l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse » (Cass. Soc, 14 novembre 2024, n°22-23.901).
TRANSACTION: La conclusion d’une transaction fait perdre le droit d’agir aux parties.
Un salarié avait signé une transaction avec son employeur postérieurement à la rupture de son contrat de travail. Ladite transaction comportait une clause précisant que le salarié se déclarait rempli de tous ses droits et renonçait irrévocablement à toute instance ou action présente ou future au titre de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail. La Cour de cassation a donc légitimement déclaré irrecevable la demande du salarié portant sur la rupture de son contrat de travail (Cass. Soc, 6 novembre 2024, n°23-17.699).