NewsletterNewsletter n°191 – Octobre 2022
PROCEDURE DE LICENCIEMENT: L’employeur ne peut annoncer un licenciement oralement que si la lettre de notification a déjà été envoyée.
En l’espèce, un employeur avait expédié une lettre de notification de licenciement à un salarié et, en fin de journée, téléphoné à l’intéressé pour l’informer de la mesure. La lettre de licenciement est parvenue au salarié le lendemain. La cour d’appel a considéré que le salarié démontrait avoir été licencié verbalement par téléphone, concomitamment à l’envoi du courrier de licenciement. Elle a donc jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur a formé un pourvoi et soutenu qu’au moment où il a appelé le salarié, le contrat de travail était déjà rompu. Il est en effet de jurisprudence constante que la rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre notifiant la rupture. Toutefois, un doute demeurait : les juges devaient-ils retenir la date ou l’heure du courrier ? La Cour de cassation a tranché la question et cassé l’arrêt de la cour d’appel. Cette dernière aurait dû « rechercher si la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture du contrat de travail n’avait pas été expédiée au salarié avant la conversation téléphonique, de sorte que l’employeur avait déjà irrévocablement manifesté sa volonté d’y mettre fin ». Il appartient donc à la cour d’appel de renvoi de reconstituer la chronologie des faits. Cet arrêt souligne l’intérêt, pour l’employeur, d’expédier la lettre de licenciement par recommandé avec accusé de réception, qui, seule, permet d’attester de la date et de l’heure du dépôt de ce courrier (Cass. Soc., 28 sept. 2022, n°21-15.606).
FORFAIT-JOURS: Les heures travaillées le dimanche ne sont pas des heures supplémentaires.
Pour mémoire, les salariés en forfait-jours doivent bénéficier du repos quotidien minimal de 11 heures et du repos hebdomadaire donné en principe le dimanche (Articles L.3132-1 à L.3132-3 du code du travail). En l’espèce, un salarié avait fait valoir que le non-respect des règles relatives au repos hebdomadaire conduisait à considérer que les heures de travail accomplies en violation de ces dispositions échappaient aux règles du forfait et devaient être considérées comme des heures supplémentaires et rémunérées comme telles. Dans un arrêt du 21 septembre 2022, la Cour de cassation considère que le non-respect par l’employeur du repos dominical d’un salarié soumis à une convention de forfait en jours ne peut pas conduire à considérer que les heures effectuées le dimanche sont des heures supplémentaires échappant aux règles du forfait. La doctrine considère toutefois que, dans ce cas, le salarié pourrait prétendre à d’autres indemnisations. En effet, le salarié aurait pu demander, en cas de dépassement du nombre de jours prévu dans son forfait, le paiement des jours excédentaires avec application d’un taux de majoration. Il aurait également pu réclamer des dommages-intérêts, en invoquant la violation des dispositions légales relatives au repos dominical (Cass. Soc. 21 sept. 2022, n°21-14.106).
ACTION DU CSE: Le CSE est irrecevable à invoquer l’illégalité d’une clause d’un accord de participation qu’il a lui-même signé.
En 2013, une société indienne a conclu un accord de participation avec le comité d’entreprise de sa succursale française. Quelques années plus tard, le cabinet d’expertise Syndex mandaté par ledit comité a considéré que le montant de la réserve spéciale de participation, calculé selon les modalités de l’accord signé en 2013, aboutissait à un montant inférieur à celui devant résulter de la formule légale. Afin d’obtenir le complément de la réserve spéciale de participation pour les exercices 2014 à 2017, le CSE a donc intenté une action en justice contre la société. La Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la cour d’appel et rejeté le pourvoi formé par le CSE en rappelant les dispositions de l’article L. 3322-2 du Code du travail, selon lesquelles « les modalités d’affectation et de gestion de la participation sont fixées par accord ». Elle en conclut que le CSE n’était « pas recevable à invoquer, par voie d’exception, l’illégalité de la clause de cet accord qui, dans le silence de la loi, a déterminé le mode de calcul des capitaux propres d’une succursale française d’une société étrangère » (Cass. Soc., 19 oct. 2022, n°21-15.270).
LANCEURS D’ALERTE: Publication du décret d’application relatif à la protection des lanceurs d’alerte.
Pris en application de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 dite Sapin II dans sa rédaction issue de la loi n°2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, le décret du 3 octobre 2022 précise les principaux apports de cette loi et révise les standards de la procédure de recueil du signalement. Le texte apporte des précisions notamment sur l’information du lanceur d’alerte de la réception de son signalement et des raisons de la recevabilité ou non de celui-ci, mais aussi sur la consignation du signalement oral pendant une durée strictement nécessaire et proportionnée au traitement du signalement. Il étend la garantie de la stricte confidentialité « de l’auteur du signalement, des faits objets du signalement et des personnes visées » à « tout tiers qui y est mentionné », et impose la transmission « sans délai » aux personnes ou services « désignés par l’entité pour recueillir et traiter les signalements ». De même, il impose aux entreprises assujetties, « après consultation des instances de dialogue social », d’intégrer au sein de leur dispositif les prérogatives de recueil et de traitement des signalements par des autorités externes. Enfin, il rend possible une mutualisation du « canal de réception des signalements » et de « l’évaluation de l’exactitude des allégations formulées » (Décret n°2022-1284 du 3 octobre 2022, JO du 4 oct.).
ABANDON DE POSTE: Le projet de loi sur le marché du travail, adopté par l’Assemblée Nationale le 6 octobre 2022, institue une présomption de démission en cas d’abandon volontaire de poste.
Pour mémoire, la démission du salarié doit être claire et non-équivoque (Cass. Soc., 21 oct. 2020, n°19-10.635) ; elle ne se présume pas. Souhaitant encadrer l’abandon de poste, les députés ont prévu que le salarié qui abandonnait volontairement son poste et qui ne reprenait pas le travail après avoir été mis en demeure par son employeur serait présumé démissionnaire. Il s’agit d’une présomption simple, le salarié peut donc la renverser devant le juge. Une voie de secours s’offrirait également à lui, puisqu’il pourrait saisir le conseil de prud’hommes en contestation de la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption. L’affaire serait alors directement portée devant le bureau de jugement, qui devrait se prononcer sur la nature de la rupture dans un délai d’un mois. Cette procédure pose de nombreuses questions : jamais une présomption de démission n’a existé dans le code du travail. Tout au plus la Cour de cassation a-t-elle pu déduire la démission du comportement du salarié dans des circonstances particulières, par exemple, s’agissant d’un salarié qui n’avait pas repris le travail après un congé maladie malgré une mise en demeure de l’employeur, et qui s’était mis au service d’une entreprise concurrente (Cass. Soc., 4 janv. 2000, n°97-43.572). En outre, la loi évoquant un abandon « volontaire », l’intention du salarié devra être prouvée. Au-delà de ces difficultés probatoires, les garanties procédurales sont tout autant incertaines : le délai d’un mois dont dispose le juge pour statuer est en réalité impraticable et expose le salarié présumé démissionnaire à ne rien percevoir pendant plusieurs mois (Projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi).