NewsletterNewsletter n°192 – Décembre 2024
AVANTAGE EN NATURE ET TRAVAIL DISSIMULE: Un logement de fonction mis gratuitement à la disposition d’un salarié constitue un avantage en nature. Ne pas évaluer ni soumettre cet avantage à cotisations traduit une volonté de dissimulation de l’employeur.
Un salarié bénéficiait gratuitement d’un logement dans les locaux de l’entreprise dans laquelle il travaillait. Aucune mention de cette mise à disposition ne figurait pourtant sur ses bulletins de salaire. A l’occasion de la contestation de son licenciement, le salarié demandait donc au conseil de prud’hommes de condamner l’employeur au paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé, au motif d’une dissimulation partielle d’emploi salarié. Pour la Cour de cassation, « la fourniture, par l’employeur, d’un logement constitue un avantage en nature qu’il y a lieu d’inclure dans le montant de la rémunération du salarié et qui doit être indiqué sur le bulletin de paie qui lui est remis ». Selon la Cour, le fait pour l’employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur l’avantage en nature caractérise le travail dissimulé (Cass. Soc. 4 décembre 2024, n°23-14.259).
LICENCIEMENT ECONOMIQUE: En cas de licenciement économique d’un salarié protégé, l’administration ne vérifie pas la faute de l’employeur.
La DIRECCTE avait validé, en 2019, un PSE prévoyant la suppression de 75 postes et l’inspectrice du travail avait autorisé le licenciement pour motif économique de 6 salariés protégés. Ces derniers reprochaient à ces décisions de n’avoir pas recherché si les difficultés de l’entreprise étaient dues à la faute de l’employeur. A cela, le Conseil d’Etat répond que, lorsque l’employeur invoque des difficultés économiques à l’appui du licenciement pour motif économique d’un salarié protégé, « il n’appartient pas à l’autorité administrative de rechercher si ces difficultés sont dues à une faute de l’employeur, sans que sa décision fasse obstacle à ce que le salarié, s’il s’y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l’employeur en demandant réparation des préjudices que lui aurait causé une telle faute » (CE. 2 décembre 2024, n°473678).
VIE PRIVEE DU SALARIE ET RECEVABILITE DE LA PREUVE: Les messages envoyés par un salarié via un téléphone professionnel, contenant des critiques sur l’entreprise et ses dirigeants, peuvent être utilisés dans le cadre d’une procédure disciplinaire.
Un salarié avait été licencié pour faute grave après avoir échangé avec des collègues, via son téléphone professionnel, des propos critiques et dénigrants à l’encontre de sa direction. Le salarié contestait son licenciement arguant qu’il relevait de sa liberté d’expression d’émettre des commentaires sur la direction et ce uniquement auprès de ses collègues dans un cercle privé. De plus, il reprochait à l’employeur d’exhumer des conversations personnelles en fondant sa demande sur les SMS envoyés depuis le téléphone professionnel. Sur le fondement de l’article L.1121-1 du code du travail, la Cour de cassation rappelle que « sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression ». La Cour se prononce aussi sur l’utilisation par l’employeur des messages envoyés depuis le téléphone portable professionnel du salarié, et considère que les messages litigieux bénéficiaient « d’une présomption de caractère professionnel pour avoir été envoyés au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail et dont le contenu était en rapport avec son activité professionnelle ». C’est donc à bon droit que l’employeur avait mobilisé des messages issus du téléphone professionnel du salarié pour prouver la faute de ce dernier (Cass. Soc. 11 décembre 2024, n°23-20.716).
STATUT DE CADRE DIRIGEANT: Une demande de rappel de salaire liée à la contestation du statut de cadre dirigeant relève de la prescription triennale.
Un salarié, qui avait été engagé en tant que directeur de site, puis de cadre dirigeant, a été licencié dix ans plus tard. Il a saisi la juridiction prud’homale, afin de contester son statut de cadre dirigeant, ainsi que le bien-fondé de son licenciement et d’obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail. La cour d’appel estimait que la demande du salarié portant sur la requalification de son statut de cadre dirigeant était prescrite. Saisie de la question, la Cour de cassation rappelle de son côté que « la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la qualité de cadre dirigeant est soumise à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du code du travail ». La demande de requalification du statut du salarié se prescrit donc par trois ans, si elle se traduit par le paiement d’un rappel de salaire (Cass. Soc. 4 décembre 2024, n°23-12.436).
LICENCIEMENT POUR INAPTITUDE: L’employeur, qui tarde à mettre en place les procédures de reclassement ou de licenciement, laissant ainsi le salarié en inactivité forcée, manque à ses obligations.
En juin 2019, un salarié avait été déclaré inapte, son « état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi ». A partir de septembre 2019, l’employeur avait repris le paiement du salaire et proposé en novembre 2019 un reclassement à l’étranger, ce que le salarié refusait. En janvier 2020, le salarié saisissait la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire. La Cour d’appel de Metz déboutait le salarié et considérait que, si l’employeur avait tardé à engager la procédure de tentative de reclassement puis la procédure de licenciement, l’obligation de reclassement était autonome de celle de reprendre le paiement du salaire et n’était pas enfermée dans un délai, de sorte que cette lenteur ne pouvait constituer un manquement de la part de l’employeur à ses obligations contractuelles ou légales. La Cour de cassation juge au contraire que « le salarié avait été maintenu dans une situation d’inactivité forcée au sein de l’entreprise, le contraignant ainsi à saisir la juridiction prud’homale », ce qui constituait un manquement de l’employeur suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail (Cass. Soc. 4 décembre 2024, n° 23-15.337).
SANCTION CONTRE UN SALARIE PROTEGE: La mise à pied disciplinaire d’un salarié protégé n’affecte ni son mandat ni son contrat de travail et ne nécessite donc pas son accord.
Mis à pied à titre disciplinaire, un salarié protégé avait saisi le conseil de prud’hommes, aux fins d’obtenir l’annulation de la sanction et la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes. Il arguait que cette sanction emportait modification de son contrat de travail et qu’elle était donc soumise à son accord. En se fondant sur l’article L.2411-1, 2° du code du travail, la Cour de cassation juge au contraire que « la mise à pied disciplinaire du salarié protégé, qui n’a pas pour effet de suspendre l’exécution du mandat de représentant du personnel et n’emporte ni modification de son contrat de travail ni changement de ses conditions de travail, n’est pas subordonnée à l’accord du salarié » (Cass. Soc 11 décembre 2024, n°23-13.332).