NewsletterNewsletter n°194 – Février 2025
ENQUÊTE INTERNE EN MATIERE DE DISCRIMINATION ET DE HARCELEMENT SEXUEL: Dans une décision-cadre du 6 février 2025, la Défenseure des droits a édicté des recommandations concernant l’attitude à adopter par l’employeur en cas de discrimination et de harcèlement sexuel.
Est tout d’abord soulignée l’importance de garantir l’efficacité de l’enquête interne menée par l’employeur, tout en respectant l’impartialité et la confidentialité. Bien que la loi ne l’impose pas, elle recommande que l’employeur définisse clairement la méthodologie de l’enquête après consultation des partenaires sociaux. L’enquête devrait être menée par au moins deux personnes extérieures au service concerné, sans pression extérieure. La Défenseure des droits recommande que l’enquête soit menée avec la participation des représentants du personnel, afin d’en garantir l’objectivité. L’employeur doit s’assurer que les enquêteurs possèdent les compétences juridiques requises. Les auditions doivent être menées dans un cadre confidentiel et sécurisé, avec la possibilité d’un accompagnement sous certaines conditions. Les enquêteurs doivent recueillir l’ensemble des éléments disponibles, y compris d’éventuels enregistrements clandestins, assurer l’anonymat si nécessaire et garantir la traçabilité des témoignages par des comptes-rendus signés. Le rapport d’enquête doit restituer les faits, les difficultés rencontrées, les éléments collectés ainsi que les mesures envisagées, tout en respectant la confidentialité. Une synthèse doit être communiquée à la victime et le rapport anonymisé transmis à la hiérarchie et aux représentants du personnel avec son accord. Enfin, le mis en cause et les témoins doivent être informés des conclusions de l’enquête (Décision-cadre du 6 février 2025).
LICENCIEMENT D’UNE SALARIEE ENCEINTE: La nullité du licenciement d’une salariée enceinte entraîne le paiement des salaires non-perçus durant la période couverte par la nullité.
Dans cette affaire, une salariée a été licenciée pour faute grave après avoir informé son employeur de sa grossesse. Toutefois, la lettre de licenciement avait été signée par le directeur de l’association, qui ne disposait pas du pouvoir de licencier en l’absence de délégation de pouvoirs du conseil d’administration. La salariée saisissait alors la juridiction prud’homale afin de faire reconnaître la nullité de son licenciement et d’obtenir le paiement des salaires non perçus pendant cette période. La Cour de cassation retient la nullité du licenciement pour faute grave, aux motifs que tout licenciement prononcé durant la période de grossesse salariée est, de fait, frappé de nullité. La Cour, qui se fonde également sur la directive 2006/54/CE, rappelle que « la salariée […] a droit […] aux salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité » (Cass. soc. 12 février 2025, n°23-22.310).
DIFFERENCE DE TRAITEMENT ET ACCORD DE SUBSTITUTION: Une différence de traitement issue d’un accord de substitution est présumée justifiée.
En l’espèce, la fusion-absorption d’une entreprise avait entrainé la mise en cause d’un accord d’entreprise. Un accord de substitution visant à maintenir une indemnisation des frais de transports domicile-travail des anciens salariés de l’entreprise absorbée avait été mis en place. Un salarié de l’entreprise absorbante a contesté la légalité de cet accord, estimant qu’il créait une différence de traitement entre les salariés. La Cour de cassation estime que « les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise opérée par un accord de substitution négocié et signé […] par les organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l’ensemble de cette entreprise […] sont présumées justifiées ». Il incombe donc au salarié qui se prévaut d’une différence de traitement de la démontrer (Cass. soc. 5 février 2025, n°22-24.000).
HARCELEMENT MORAL: En matière de harcèlement moral, le juge doit fonder sa décision en analysant l’ensemble des éléments apportés par le salarié.
Soutenant être victime de harcèlement moral, un salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant notamment au paiement de dommages-intérêts à ce titre et à la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il a ultérieurement été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Contestant la décision de la Cour d’appel, qui avait procédé à une analyse isolée des faits pour fonder sa décision, il se pourvoyait finalement en cassation. Se fondant sur les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, la Cour de cassation considère qu’ « il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié […] et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral » (Cass. soc. 5 février 2025, n°23-20.165).
CONTRAT DE SECURISATION PROFESSIONNELLE: L’absence de la mention de priorité de réembauchage à l’occasion d’un contrat de sécurisation professionnelle n’invalide pas le licenciement, mais peut donner lieu à des dommages-intérêts en cas de préjudice.
Une salariée ayant conclu un contrat de sécurisation professionnelle reprochait à son employeur de ne pas avoir mentionné dans sa lettre de licenciement sa priorité de réembauche dans l’année suivant la rupture de son contrat de travail. La Cour d’appel avait jugé que cette omission rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cependant, selon la Cour de cassation, si cette absence est avérée, elle « ne prive pas la rupture du contrat de travail de cause réelle et sérieuse, mais permet seulement au salarié qui justifie d’un préjudice d’obtenir des dommages-intérêts » (Cass. soc. 26 février 2025, n°23-15.427).
INAPTITUDE ET IMPOSSIBILITE DE RECLASSEMENT: Le médecin du travail doit se référer à l’article L.1226-2-1 du Code du travail ou à une formulation équivalente pour déclarer l’inaptitude d’un salarié et l’impossibilité de son reclassement.
A la suite d’une maladie d’origine non professionnelle, un salarié avait été déclaré inapte par le médecin du travail, avec la mention suivante : « inapte à la reprise du poste occupé. L’état de santé du salarié ne permet pas de faire des propositions de reclassement au sein de l’entreprise filiale et holding compris et le rend inapte à tout poste ». Le salarié était licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il saisissait alors le conseil de prud’hommes, afin de faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, arguant que la formulation du médecin du travail ne reprenait pas exactement celle des dispositions de l’article L.1226-2-1 du code du travail, ce qui privait l’employeur de la dispense de recherche de reclassement. La Cour de cassation rejette le pourvoi et juge que « l’employeur était dispensé de rechercher un reclassement, la formule utilisée par le médecin du travail étant équivalente à la mention de l’article L. 1226-2-1 du code du travail » (Cass. soc. 12 février 2025, n°23-22.612).