NewsletterNewsletter n°195 – Mars 2025
LICENCIEMENT POUR FAUTE: Un salarié ne peut être licencié pour faute si une altération de son état psychique l’empêchait de discerner le caractère répréhensible de ses actes.
Dans cette affaire, un salarié avait été licencié parce que son employeur lui reprochait d’avoir envoyé à une collègue des messages menaçants et humiliants. Contestant son licenciement devant les juridictions de première et de seconde instance, le salarié soutenait que les faits reprochés s’étaient produits alors qu’il était dans un état psychique fortement altéré, compromettant ainsi sa capacité de discernement quant au caractère répréhensible de son comportement. La Cour de cassation confirme que, compte tenu de son état, « les faits reprochés au salarié ne lui étaient pas imputables » rendant ainsi le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 5 mars 2025, n°23-50.022).
CONVENTION DE FORFAIT-JOURS: L’absence de suivi de la charge de travail des salariés sous convention de forfait-jours ne constitue pas, en soi, un préjudice automatique.
Dans ces deux espèces, les salariés reprochaient à leur employeur d’avoir manqué à ses obligations en matière de suivi et d’évaluation de leur charge de travail, alors qu’ils étaient en forfait-jours. Pour obtenir réparation, ils soutenaient avoir subi un préjudice automatique les dispensant d’en apporter la preuve. La chambre sociale de la Cour de cassation rappelle qu’un tel manquement de l’employeur « n’ouvre pas, à lui seul, droit à réparation » et qu’il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un préjudice distinct en résultant. À défaut, il ne peut prétendre qu’au rappel des heures supplémentaires éventuellement effectuées (Cass. Soc. 11 mars 2025, n° 24-10.452 et 23-19.669).
PROCEDURE DE LICENCIEMENT: Le délai de 5 jours entre la convocation et l’entretien préalable doit exclure le jour de présentation du courrier recommandé, les dimanches et les jours fériés.
Dans cette affaire, un salarié contestait son licenciement, soutenant qu’il n’avait pas bénéficié du délai de cinq jours entre sa convocation et l’entretien préalable. L’employeur assurait avoir respecté ce délai en convoquant le salarié le vendredi 22 décembre pour un entretien prévu le vendredi 29 décembre. Toutefois, la Cour de cassation rappelle que « le salarié doit disposer d’un délai de cinq jours pleins pour préparer sa défense, le jour de présentation de la lettre ne comptant pas dans ce délai, pas plus que le dimanche et les jours fériés, qui ne sont pas des jours ouvrables ». En l’espèce, le délai incluait un week-end ainsi qu’un jour férié (lundi 25 décembre), empêchant ainsi le salarié de bénéficier des cinq jours ouvrables requis. Dès lors, le non-respect de cette exigence, prévue par les dispositions de l’article L.1232-2 du Code du travail, rendait le licenciement injustifié (Cass. Soc. 12 mars 2025, n°23-12.766).
CONGE DE RECLASSEMENT: Le véhicule de fonction doit être restitué pour la période du congé de reclassement excédant la durée du préavis.
Des salariés ont assigné leur ancien employeur en paiement de dommages et intérêts après la suppression de leur véhicule de fonction consécutivement à leur licenciement pour motif économique. Ils soutenaient que l’inexécution du préavis ne devait entraîner aucune diminution des avantages qu’ils auraient perçus s’ils l’avaient effectué. Cependant, la chambre sociale de la Cour de cassation juge que, lorsque la durée du congé de reclassement excède celle du préavis, les salariés ne peuvent pas prétendre au maintien de leurs avantages en nature au-delà de cette période (Cass. Soc. 12 mars 2025, n° 23-22.756).
LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE: La menace sur la compétitivité économique peut justifier un licenciement, même si elle est antérieure et que la situation de l’entreprise s’est légèrement améliorée.
En l’espèce, des salariés contestaient le motif économique de leur licenciement pour « réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ». A ce titre, ils estimaient la cause économique infondée car analysée antérieurement au licenciement, et ce alors même que, par la suite, l’entreprise avait connu une amélioration de ses résultats. Ils se pourvoyaient donc en cassation après avoir été déboutés en première instance et en appel. Face à cette problématique, la chambre sociale confirme le raisonnement des juges du fond qui avaient analysé les pertes de parts de marché de l’entreprise sur une période précédant le licenciement. Ainsi, elle estimait que des faits antérieurs au licenciement économique pouvaient parfaitement démontrer « l’existence d’une menace sérieuse pesant sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe auquel appartenait l’entreprise de nature à justifier sa réorganisation pour prévenir des difficultés économiques à venir » (Cass. Soc. 12 mars 2025, n° 23-22.756).
LICENCIEMENT POUR INAPTITUDE: L’absence de proposition de reclassement ne dispense pas de l’obligation de consulter les représentants du personnel sur les possibilités de reclassement.
En l’espèce, un salarié avait été victime d’un accident du travail, suivi d’une rechute. Déclaré inapte par le médecin du travail, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Contestant son licenciement, il soutenait que l’employeur aurait dû consulter les délégués du personnel avant d’engager la procédure de licenciement pour inaptitude. Les juges du fond ont rejeté sa demande compte tenu de l’absence de proposition de reclassement Toutefois, la chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, rappelant « qu’il appartenait à l’employeur de consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement avant d’engager la procédure de licenciement », y compris en l’absence de possibilités de reclassement (Cass. soc. 5 mars 2025, n°23-13.802).
TELETRAVAIL: Le salarié qui ne dispose pas de local professionnel, ou avec lequel il a été convenu qu’il télétravaille, peut prétendre à une indemnité d’occupation du domicile.
Dans cette affaire, un salarié avait été déclaré inapte à son poste, sans possibilité de reclassement. Par la suite, il saisissait la juridiction prud’homale, afin de faire condamner l’employeur à lui verser diverses sommes. Parmi ses demandes, le salarié sollicitait le paiement d’une indemnité d’occupation de son domicile, ayant télétravaillé à la demande de l’employeur, lequel n’avait pas mis à sa disposition de local professionnel. La Cour de cassation rappelle que « l’occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans sa vie privée, de sorte qu’il peut prétendre à une indemnité à ce titre dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition ou qu’il a été convenu que le travail s’effectue sous la forme du télétravail ». La Cour profite de cet arrêt pour ajouter une précision importante : « l’action en paiement de cette indemnité qui compense la sujétion résultant de cette modalité d’exécution du contrat de travail est soumise au délai biennal de l’article L. 1471-1, alinéa 1er, du code du travail » (Cass. Soc. 19 mars 2025, n°22-17.315).