NewsletterNewsletter N°196 – Avril 2025
LICENCIEMENT ET DISCRIMINATION: Le refus de l’employeur de suivre les préconisations du médecin du travail pour une salariée handicapée peut faire présumer une discrimination fondée sur le handicap.
Le médecin du travail avait formulé des préconisations d’aménagement du poste d’une salariée reconnue travailleuse handicapée, que l’employeur a refusé de mettre en place. La salariée s’est donc prévalue d’une discrimination en raison de son handicap. La Cour d’appel a estimé que le non-respect des préconisations du médecin du travail constituait une violation du contrat de travail, sans pour autant constituer une discrimination. La Cour de cassation précise de son côté que les juges du fond doivent d’abord « rechercher si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination », tel que le refus, même implicite, de l’employeur d’appliquer les recommandations du médecin du travail. Ensuite, il convient de « rechercher si l’employeur démontre que son refus de prendre ces mesures est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du handicap tenant à l’impossibilité matérielle de prendre les mesures sollicitées ou préconisées ou au caractère disproportionné » de leur mise en œuvre par l’entreprise. En l’espèce, la Haute Juridiction juge que le refus de l’employeur d’appliquer les préconisations du médecin du travail à l’égard du travailleur handicapé laissait présumer l’existence d’une discrimination (Cass. Soc. 2 avril 2025, n°24-11.278).
VIOLATION DU STATUT PROTECTEUR ET INDEMNISATION PAR L’EMPLOYEUR: En cas de licenciement nul d’un salarié protégé, celui-ci a droit à une indemnité équivalente aux salaires qu’il aurait perçus jusqu’à la fin de sa période de protection, dans la limite de trente mois.
En l’espèce, une salariée exerçait un mandat de représentante de proximité. Alléguant faire l’objet d’une discrimination syndicale, elle a saisi la juridiction prud’homale en vue de faire prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Les juges du fond ont reconnu la nullité de son éviction, en lui accordant une indemnisation égale à la durée minimale de son mandat, à savoir 2 ans, alors qu’elle bénéficiait d’un mandat égal à celui des membres du CSE, soit 4 ans. La Cour de cassation juge de son côté qu’un représentant de proximité est bien fondé à obtenir « une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’elle aurait perçue jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours dans la limite de trente mois » (Cass. Soc. 9 avril 2025, n°23-12.990).
MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL: Un changement de poste respectant la qualification du salarié ne constitue pas une modification du contrat de travail.
En l’espèce, un salarié avait été engagé en qualité de médecin, avant de se voir confier par son employeur la direction médicale d’un autre établissement. Le salarié demandait la résiliation judiciaire de son contrat de travail, arguant que ce changement de poste représentait une modification de son contrat de travail, dans la mesure où l’établissement dont il se voyait confier la direction médicale était situé à 15 kilomètres de son précédent lieu de travail. La Cour de cassation commence par rappeler que « l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d’un salarié et la circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu’il exécutait antérieurement, dès l’instant qu’elle correspond à sa qualification, ne caractérise pas une modification du contrat de travail ». Cela relève donc d’un simple changement des conditions de travail. En l’espèce, la Cour de cassation estime que les deux postes occupés successivement par le salarié présentaient des missions très similaires, et « qu’ainsi le salarié ne perdait pas ses responsabilités ». La Cour en conclut que l’employeur avait procédé à une simple modification des conditions de travail du salarié (Cass. Soc. 2 avril 2025, n°23-23.783).
TRANSFERT DE DONNEES A CARACTERE CONFIDENTIEL: Le transfert de données confidentielles vers une messagerie personnelle, sans preuve de divulgation à des tiers, ne suffit pas à caractériser une faute grave justifiant un licenciement.
Une salariée avait été licenciée pour faute grave après avoir transféré, de sa messagerie professionnelle vers son adresse électronique personnelle, des données de l’entreprise à caractère confidentiel. La salariée contestait le caractère fautif de son licenciement. Pour caractériser la faute grave, la Cour de cassation exige, qu’en sus du transfert de données à caractère confidentiel « contrevenant (…) à ses obligations en matière de sécurité informatique », il existe des « éléments permettant [ …] d’ imputer [à la salariée] une transmission de ces données confidentielles à des personnes extérieures à l’entreprise », ce qui n’était pas le cas en l’espèce. La Cour juge donc qu’au regard de l’ancienneté de la salariée et de l’absence de toute sanction antérieure à son licenciement, celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 9 avril 2025, n°24-12.055).
LICENCIEMENT ET HARCELEMENT MORAL: La nullité du licenciement ne peut être prononcée que si un lien direct est établi entre le harcèlement moral allégué et la rupture du contrat de travail.
Une salariée, qui avait été licenciée, soutenait avoir subi un harcèlement moral de la part de l’employeur. Elle souhaitait ainsi qu’un lien soit reconnu entre le harcèlement et le licenciement, ce qui entraînerait la nullité du licenciement. La Cour d’appel d’Angers lui a donné raison, mais l’employeur qui contestait le bien-fondé de cette décision, a saisi la Cour de cassation. Celle-ci reproche à la cour d’appel de s’être contentée de retenir que « la salariée établit des faits permettant de laisser supposer un harcèlement moral puis que l’employeur n’établit pas que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement », « sans caractériser le fait que la salariée avait été licenciée pour avoir subi ou refusé de subir un harcèlement moral ». Le licenciement ne pouvait donc être annulé (Cass. Soc. 9 avril 2025, n°24-11.421).
RESILIATION JUDICIAIRE ET SURCHARGE DE TRAVAIL: La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée, lorsque l’employeur impose au salarié une surcharge de travail portant atteinte à sa santé et à son équilibre.
Un salarié a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, arguant que l’employeur n’aurait pas respecté son obligation de sécurité à son égard en ne prenant pas les dispositions nécessaires pour s’assurer du suivi de ses horaires et de sa charge de travail. Rappelant que « le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles », la Cour de cassation constate que l’employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique du salarié, dans la mesure où celui-ci « avait été soumis à un rythme de travail préjudiciable à sa santé et à son équilibre, et n’avait pas toujours pu bénéficier du temps de repos nécessaire à une récupération effective, propice à éviter toute altération de son état de santé ». La Cour confirme ainsi que la résiliation judiciaire peut être prononcée en raison d’une surcharge de travail imposée par l’employeur (Cass. Soc. 2 avril 2025, n°23-20.373).