NewsletterNewsletter n°197 – Mai 2025
HARCELEMENT MANAGERIAL: La persistance d’un comportement fautif justifie le licenciement pour faute grave, malgré l’absence de mesures de l’employeur.
Un salarié exerçant des fonctions d’encadrement était licencié pour faute grave en raison de pratiques managériales jugées délétères. L’employeur lui reprochait d’avoir persisté, malgré une sanction disciplinaire antérieure, dans un comportement autoritaire, rigide et dévalorisant, générant une souffrance au travail au sein de son équipe. Le salarié contestait le caractère fautif de son licenciement. La Cour de cassation rappelle que la faute grave est constituée dès lors que les faits reprochés rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. En l’espèce, la réitération des comportements fautifs, en dépit de l’avertissement préalable, était « de nature, quelle qu’ait pu être l’attitude de l’employeur tenu à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, à caractériser un comportement rendant impossible son maintien dans l’entreprise » (Cass. Soc. 6 mai 2025, n°23-14.492).
TRANSFERT CONVENTIONNEL: L’avenant du 28 janvier 2011 à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité n’impose pas au nouvel employeur de reprendre les obligations de l’ancien.
Une société opérant dans le secteur de la sécurité privée était placée en liquidation judiciaire à la suite d’une perte de marché. À la suite de cette procédure, vingt-cinq salariés étaient repris par la nouvelle entreprise attributaire du marché de sécurité sur lequel ils étaient initialement affectés. Ces salariés ont saisi la juridiction prud’homale, afin de faire fixer au passif de la société liquidée diverses créances, notamment au titre de rappels d’heures supplémentaires et d’une indemnité pour travail dissimulé. L’AGS et l’Unedic ont contesté les décisions rendues, soutenant que le transfert des contrats opéré en application de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité constituait un transfert conventionnel, excluant toute rupture du contrat de travail initial. La Cour de cassation juge qu’ « il résulte de la combinaison des articles L. 8223-1 du code du travail et 3.1.1 de l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel relevant de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 que si l’avenant au contrat de travail conclu avec l’entreprise entrante reprend l’ensemble des clauses contractuelles du contrat de travail du salarié repris à l’occasion de la perte du marché, la relation de travail au sens du premier de ces textes avec l’entreprise sortante est rompue, de sorte que, (…) cette dernière (…) est redevable de l’indemnité pour travail dissimulé.» (Cass. Soc. 21 mai 2025, n°23-16.540).
PRESCRIPTION: Le délai de prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail court à compter de la date de réception par le salarié de la lettre notifiant la rupture.
Par courrier envoyé le 9 août 2019 et réceptionné le 10 août 2019, un salarié était licencié pour faute grave. Ce dernier saisissait la juridiction prud’homale, le 10 août 2020, de demandes relatives à l’exécution et à la rupture de son contrat de travail. Son ancien employeur soutenait que les demandes tenant à la rupture du contrat de travail étaient prescrites et que l’action aurait due être engagée au plus tard le 9 août 2020. La Cour de cassation rappelle que « toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture (…) la date de la notification par voie postale est, à l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition, et, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre. Il en résulte que le délai de prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail court à compter de la date de réception par le salarié de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant la rupture. » (Cass. Soc. 21 mai 2025, n°24-10.009).
ACTION DE GROUPE: Tout manquement de l’employeur à ses obligations légales ou contractuelles peut faire l’objet d’une action de groupe.
La loi n° 2025-391 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne est entrée en vigueur le 3 mai 2025, après avoir été validée par le Conseil constitutionnel (Cons. const. 2025-879 DC 29-4-2025). Ce texte prévoit notamment que l’action de groupe est étendue à l’ensemble des manquements de l’employeur à ses obligations légales et contractuelles, et peut tendre à la cessation du manquement et/ou, le cas échéant, à la réparation des préjudices subis. Préalablement à l’engagement d’une telle action de groupe, le demandeur doit mettre en demeure l’employeur de faire cesser le manquement allégué. Ce n’est qu’à l’issue d’un délai de 6 mois à compter de cette demande que l‘action de groupe pourra être engagée. Cette procédure peut être exercée par les organisations syndicales représentatives de salariés, les associations agréées à cette fin et, pour les actions tendant à la cessation du manquement, les associations à but non lucratif déclarées depuis au moins 2 ans, sachant que le Ministère public peut également agir.
ASTREINTE ET TEMPS DE TRAVAIL: Relèvent du temps de travail les astreintes qui imposent au salarié des contraintes limitant significativement sa liberté de gérer son temps et de se consacrer à ses activités personnelles.
Un gardien d’hôtel devait assurer en moyenne quatre nuits d’astreinte hebdomadaires, du vendredi soir au mardi matin, et logeait dans une chambre de fonction réservée. A la suite de son licenciement, le salarié saisissait la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir des rappels d’heures supplémentaires au titre de ses astreintes, considérant qu’elles constituaient du temps de travail effectif. La Haute juridiction s’aligne sur la jurisprudence européenne, notamment celle de la CJUE du 9 mars 2021, et rappelle qu’il convient de vérifier si, pendant les périodes d’astreinte, le salarié était soumis à « des contraintes d’une intensité telle qu’elles affectent, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles » (Cass. Soc. 14 mai 2025, n° 24-14.19).
PLAN DE DÉPARTS VOLONTAIRES: La proposition du CSP n’est pas obligatoire dans le cadre d’un plan de départs volontaires.
Une entreprise avait mis en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi excluant tout licenciement, reposant exclusivement sur des départs volontaires. Deux salariés y avaient adhéré en signant une convention de rupture amiable, subordonnée à leur embauche en CDI par une autre société. Leur contrat avait été rompu d’un commun accord à l’issue d’une période de mise à disposition. Or, France Travail avait requalifié cette rupture en licenciement pour motif économique et réclamait à l’entreprise le versement de la contribution spécifique liée à l’absence de proposition de contrat de sécurisation professionnelle (CSP). La Cour de cassation écarte cette analyse et rappelle que « les dispositions relatives au contrat de sécurisation professionnelle ne sont pas applicables à la rupture du contrat de travail qui résulte de la conclusion d’un accord de rupture amiable intervenu en application d’un plan de sauvegarde de l’emploi par départs volontaires qui n’envisage aucun licenciement ». Dès lors, l’employeur n’était pas tenu de le proposer (Cass. Soc. 21 mai 2025, n°22-11.901).