NewsletterNewsletter n°198 – Juin 2025
INAPTITUDE ET RECLASSEMENT: L’impossibilité de reclassement d’un salarié déclaré inapte dispense l’employeur de lui notifier les motifs s’y opposant.
Une salariée est licenciée après avoir été déclarée inapte avec impossibilité de reclassement. Elle saisit la juridiction prud’homale, afin de contester le bien-fondé de son licenciement pour inaptitude, notamment en raison de l’absence de notification écrite des motifs s’opposant à son reclassement. Au visa des articles L.1226-2-1 et L.1226-2 du Code du travail, la Cour de cassation juge que « l’employeur n’était pas tenu de notifier par écrit à la salariée, préalablement à la mise en œuvre de la procédure de licenciement, les motifs s’opposant au reclassement, (et) qu’il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir recherché un poste de reclassement dans les autres établissements de l’entreprise » (Cass., Soc., 11 juin 2025, n° 24-15.297).
NULLITE DU LICENCIEMENT: Le licenciement fondé sur un fait relevant de l’intimité de la vie privée d’un salarié est nécessairement nul.
Une salariée est licenciée pour faute grave par la directrice générale de l’entreprise. Considérant que la mesure trouvait son origine dans la relation intime qu’elle entretenait avec le président de la société, époux de la directrice générale, la salariée conteste le bien-fondé de son licenciement. Plus précisément, la salariée soutient que son licenciement porte atteinte à sa vie privée, et qu’il est de fait entaché de nullité. La Cour de cassation suit ce raisonnement, et rappelle, au visa de l’article 9 du Code civil, qu’ « un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail » et qu’en l’espèce « le licenciement était fondé sur un fait relevant de l’intimité de la vie privée de la salariée, de sorte qu’il était atteint de nullité » (Cass., Soc., 4 juin 2025, n°24-14.509).
INDEMNITES JOURNALIERES: Le séjour temporaire à l’étranger d’un salarié durant un arrêt de travail peut justifier la suspension des indemnités journalières.
Une salariée a perçu près de 2.000 € à titre d’indemnités journalières pendant un arrêt de travail, alors qu’elle séjournait temporairement en Tunisie. L’assurance maladie réclame le remboursement de cette somme, invoquant l’impossibilité de procéder à un contrôle pendant son séjour. La juridiction de première instance rejette cette demande, retenant que le déplacement avait été autorisé par le médecin traitant et qu’aucun motif médical ne s’y opposait. Mais, par un arrêt du 5 juin 2025, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation casse cette décision et rappelle que, sous réserve des conventions et accords de sécurité sociale applicables, « le déplacement de l’assuré le conduisant à séjourner temporairement hors de France rend impossible tout contrôle et ne permet pas à l’organisme de sécurité sociale de vérifier que l’assuré continue de respecter ses obligations, il en résulte que les prestations en espèces de l’assurance maladie ne lui sont pas servies durant ce séjour » (Cass., Civ 2e., 5 juin 2025, n°22-22-834).
SANTE ET SECURITE DU SALARIE: L’employeur doit s’assurer du respect des préconisations du médecin du travail, y compris lorsque le salarié est en mission.
En l’espèce, un salarié victime d’un accident du travail avait été déclaré apte à son poste, sous certaines réserves. L’employeur procédait alors à son reclassement sur un autre site, auprès de différents clients. Après un nouvel arrêt de travail, le salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat, reprochant à l’employeur de l’avoir affecté à des clients qui, pour la plupart, ne respectaient pas les préconisations émises par le médecin du travail. Il est finalement licencié pour inaptitude. Au visa des articles L.4624-3 et L.4624-6 du Code du travail, la Cour de cassation rappelle que l’employeur, tenu par une obligation de sécurité, doit prendre en compte l’avis du médecin du travail ainsi que ses indications et préconisations, et qu’il lui appartenait, en l’espèce, de vérifier si les lieux de tournée étaient effectivement dotés de chariots électriques (Cass. Soc. 11 juin 2025 n° 24-13.083).
DONNEES A CARACTERE PERSONNEL: Les courriels professionnels, émis et reçus par un salarié, sont des données à caractère personnel que l’employeur a l’obligation lui communiquer s’il les sollicite.
Un salarié soupçonné de harcèlement moral avait été licencié à la suite des conclusions d’une enquête interne diligentée à cet effet. Il contestait le bien-fondé de son licenciement, faisant valoir notamment que l’employeur ne lui avait pas communiqué certains courriels émis ou reçus dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. La cour d’appel retenait cet argument et condamnait l’employeur au versement de dommages et intérêts, relevant que ce dernier s’était abstenu de transmettre ces éléments issus de la messagerie professionnelle du salarié, sans justifier d’aucun motif légitime. La Cour de cassation approuve cette analyse, et au visa des articles 4 et 15 du RGPD, juge que « les courriels émis ou reçus par le salarié grâce à sa messagerie électronique professionnelle sont des données à caractère personnel » et que leur absence de communication sans motif cause un préjudice au salarié (Cass., Soc., 18 juin 2025, n°23-19.022).
LICENCIEMENT VERBAL: Retirer à un salarié en arrêt de travail toute activité et moyens d’accès à l’entreprise peut caractériser un licenciement verbal.
Victime d’un accident du travail, un salarié avait été placé en arrêt de travail. Son employeur procédait alors au retrait de son véhicule de fonction, de ses badges d’accès à l’entreprise, ainsi que de ses dossiers professionnels. Estimant avoir fait l’objet d’un licenciement verbal, le salarié saisissait la juridiction prud’homale. La Cour de cassation juge que le retrait concomitant du véhicule, des badges et des dossiers caractérise en effet la manifestation d’une décision unilatérale, définitive et non équivoque de l’employeur de rompre le contrat de travail, équivalant ainsi à un licenciement verbal. Dès lors, au sens de l’article L.1232-6 du Code du travail, « le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse » (Cass., Soc., 11 juin 2025, n°23-21.819).
PROCEDURE DISCIPLINAIRE: Un délai de quatre jours entre la convocation et l’entretien préalable à une sanction disciplinaire est suffisant.
Par lettre du 19 février 2019, un salarié était convoqué à un entretien préalable à sanction fixé au 27 février, entretien qui était ensuite reporté. Une nouvelle convocation lui était adressée par courrier du 27 février, reçu le 2 mars, pour un entretien fixé au 6 mars. À l’issue de celui-ci, l’employeur lui notifiait, le 11 mars 2019, une mise à pied disciplinaire. Le 6 juin 2019, le salarié saisissait la juridiction prud’homale afin, notamment, d’obtenir la nullité de cette sanction disciplinaire. La Cour de cassation juge ici que « si les dispositions légales ne prévoient aucun délai minimal entre la convocation et l’entretien préalable à une sanction disciplinaire autre que le licenciement, le salarié doit être averti suffisamment à l’avance du moment et de l’objet de l’entretien, pour organiser sa défense ». En l’espèce, la procédure est jugée régulière, dès lors que le salarié a bénéficié de quatre jours pour préparer sa défense, qu’il connaissait les motifs de l’entretien, le fait qu’une sanction disciplinaire était envisagée et la possibilité de se faire assister (Cass., Soc. 4 juin 2025, n° 23-18.578).