NewsletterNewsletter n°201 – Septembre 2025
LIBERTE D’EXPRESSION: La lettre adressée par l’avocat refusant la signature d’une rupture conventionnelle ne saurait être assimilée à l’exercice par la salariée de sa liberté d’expression.
Un employeur avait remis à l’une de ses salariées un formulaire de rupture conventionnelle. Celle-ci, par l’intermédiaire de son avocat, avait refusé la proposition. Elle est par la suite licenciée pour insuffisance professionnelle, décision qu’elle conteste par l’envoi d’un courrier rédigé par son conseil. Dans cette lettre, plusieurs griefs sont formulés à l’encontre de l’employeur, la salariée soutenant notamment que son licenciement trouvait sa cause dans l’intervention de son avocat, ce qui constituerait une atteinte à sa liberté d’expression. La chambre sociale de la Cour de cassation déboute la salariée de ses demandes, affirmant que « le seul fait que l’avocat de la salariée, dans le cadre d’une proposition de rupture conventionnelle, eût adressé une lettre à l’employeur pour refuser cette proposition ne relevait pas de l’exercice par la salariée de sa liberté d’expression dans l’entreprise » (Cass. Soc. 10 septembre 2025, n°24-12.595).
CONGES PAYES ET MALADIE: Un arrêt maladie au cours d’une période de congés payés entraîne leur report, dès lors que l’arrêt est notifié à l’employeur.
Un employeur a sollicité d’une salariée le remboursement d’un trop-perçu de congés-payés perçus au cours d’un arrêt maladie. Sur le fondement d’une directive européenne et d’une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, la chambre sociale de la Cour de cassation écarte la demande au motif que « la salariée, qui avait fait l’objet, durant ses périodes de congés payés, d’arrêts de travail pour cause de maladie notifiés à l’employeur, pouvait prétendre au report des jours de congé correspondants, qui ne pouvaient pas être imputés sur son solde de congés payés » (Cass. Soc. 10 septembre 2025, n°23-22.732).
CONGES PAYES: Les congés payés doivent être intégrés dans le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires lorsque le temps de travail est décompté à la semaine.
Des salariés soumis à un forfait conventionnel hebdomadaire contestaient le mode de décompte de leur temps de travail. Ils sollicitaient notamment le paiement d’heures supplémentaires, soutenant que les périodes de congés payés devaient être assimilées à du temps de travail effectif pour le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires. La chambre sociale de la Cour de cassation fait droit à ce raisonnement, jugeant que les congés payés doivent être pris en compte, afin d’éviter qu’un salarié ne soit financièrement désavantagé lorsqu’il prend ses congés. La Cour ajoute qu’il convient « d’écarter l’application des dispositions de l’article L.3121-28 du code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un temps de travail effectif les heures prises en compte pour la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires applicable à un salarié, soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, lorsque celui-ci, pendant la semaine considérée, a été partiellement en situation de congé payé, et de juger que ce salarié peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu’il aurait perçues s’il avait travaillé durant toute la semaine » (Cass. Soc. 10 septembre 2025, n°23-14.455).
DISCRIMINATION SYNDICALE: La discrimination syndicale constitue un préjudice nécessaire.
A l’issue de sa période de protection, un ancien représentant du personnel était licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement. Il contestait le bien-fondé de son licenciement et sollicitait la reconnaissance d’une discrimination syndicale. Malgré l’absence de démonstration d’un quelconque préjudice, la chambre sociale de la Cour de cassation a fait droit aux prétentions du salarié en affirmant que « le seul constat de l’existence d’une discrimination syndicale ouvre droit à réparation » (Cass. Soc. 10 septembre 2025, n°23-21.124).
LIBERTE RELIGIEUSE: Le licenciement fondé sur des faits relevant de la liberté religieuse et intervenus dans la sphère privée du salarié est nul.
Une salariée d’une association œuvrant pour la protection de l’enfance avait été sanctionnée d’un avertissement pour avoir remis une Bible à des mineurs, puis licenciée après avoir réitéré ces agissements. Cette dernière sollicitait l’annulation des sanctions prononcées à son encontre. La Cour d’appel a jugé que son comportement de nature prosélyte à l’égard d’un public particulièrement vulnérable constituait un abus de sa liberté religieuse et méconnaissait le principe de neutralité prévu par le règlement intérieur de l’association. La chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision : « en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la salariée, agente de service et non éducatrice, avait pris l’initiative de se déplacer à l’hôpital où la mineure avait été admise pour lui remettre une Bible, ce dont il résultait que les faits reprochés par l’employeur étaient intervenus en dehors du temps et du lieu du travail de la salariée et ne relevaient pas de l’exercice de ses fonctions professionnelles, de sorte que le licenciement prononcé pour motif disciplinaire en raison de faits relevant, dans la vie personnelle de la salariée, de l’exercice de sa liberté de religion était discriminatoire et donc nul, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (Cass. Soc. 10 septembre 2025, n°23-22.722).
PROCEDURE DE LICENCIEMENT: L’employeur n’est pas tenu d’informer le salarié de son droit de se taire durant l’entretien préalable au licenciement.
Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’Etat et la Cour de cassation d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) portant sur les dispositions des articles L.1232-2 et suivants du Code du travail, lesquelles prévoient que l’employeur doit recueillir les explications du salarié au cours de l’entretien préalable. Il s’agissait de déterminer si ces dispositions ne méconnaissaient pas le droit de se taire, prévu à l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789. Les Sages ont répondu par la négative, estimant que le droit de se taire ne s’appliquait qu’aux sanctions à caractère punitif et non « aux mesures qui, prises dans le cadre d’une relation de droit privé, ne traduisent pas l’exercice de prérogatives de puissance publique ». Ainsi, « ni le licenciement pour motif personnel d’un salarié, ni la sanction prise par un employeur dans le cadre d’un contrat de travail ne constituent une sanction ayant le caractère d’une punition au sens des exigences constitutionnelles précitées ». En conséquence, les dispositions du Code du travail en cause sont bien conformes à la Constitution (Conseil Constitutionnel, 19 septembre 2025, n° 2025-1160/1161/1162).
BULLETIN DE SALAIRE: La mention des jours de RTT sur le bulletin de salaire n’a qu’une valeur informative et la charge de la preuve de leur octroi incombe à l’employeur.
Un salarié sollicitait devant la juridiction prud’homale le versement d’une indemnité compensatrice de ses jours de RTT. La Cour de cassation confirme sa jurisprudence en rappelant que l’employeur ne peut se contenter de produire des bulletins de salaire pour affirmer que le salarié a été rempli de ses droits et justifier du paiement effectif des jours de RTT, sauf à inverser la charge de la preuve (Cass. Soc. 3 septembre 2025, n°23-15.275).