NewsletterNewsletter n°203 – Novembre 2025
LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE: Un licenciement pour motif économique prononcé avant d’avoir reçu la réponse des entreprises sollicitées dans le cadre d’un éventuel reclassement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Un salarié avait été licencié pour motif économique à titre conservatoire, puis définitivement après avoir accepté un contrat de sécurisation professionnelle. Il contestait ce licenciement, invoquant l’absence de recherche effective et sérieuse de reclassement, tandis que l’employeur soutenait qu’aucune obligation de réponse ne pesait sur les entreprises sollicitées pour un éventuel reclassement. La Cour de cassation donne raison au salarié, considérant que « la société, qui avait adressé (…) des lettres de recherches de reclassement à trois sociétés, (…) avait notifié au salarié son licenciement sans attendre de savoir si l’une des trois sociétés du groupe qu’elle avait sollicitée à cette fin avait des possibilités de reclasser le salarié ». Elle en conclut « qu’il n’était pas justifié d’une recherche préalable, effective et sérieuse de reclassement du salarié et qu’en conséquence, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse » (Cass. Soc. 5 novembre 2025, n° 24-14.758).
PLAN DE SAUVEGARDE DE L’EMPLOI: Les critères d’attribution des mesures prévues dans un plan de sauvegarde de l’emploi doivent être préalablement définis et objectivement vérifiables.
Un plan de sauvegarde de l’emploi adopté par accord collectif prévoyait un dispositif cessation anticipée d’activité ouvrant droit à une dispense d’activité rémunérée jusqu’à l’obtention d’une retraite de base de la sécurité sociale à taux plein pour les salariés d’au moins 55 ans justifiant d’une ancienneté minimale de 15 ans. Ces conditions étaient appréciées au jour de la convention bilatérale de rupture, celle-ci n’étant toutefois pas enfermée dans un délai fixe. Une salariée avait demandé le bénéfice de cette mesure en février 2016. Il lui avait été refusé en avril 2016, au motif qu’elle ne remplissait pas la condition d’âge de 55 ans, qu’elle atteignait au mois de novembre 2016. Or, le PSE ne prévoyait pas de délai pour la signature des conventions de rupture. La salariée avait donc revendiqué son droit au bénéfice de cette mesure devant le Conseil de Prud’hommes. Au regard du principe d’égalité de traitement, la Cour de cassation juge que le plan « ne prévoyait pas de délai pour la signature de l’accord de rupture et que, lors de la mise en œuvre de l’accord collectif, la réalisation de la condition d’âge et d’ancienneté avait dépendu du choix discrétionnaire par l’employeur de la date de signature de l’accord de rupture, de sorte que les conditions d’éligibilité au dispositif n’étaient pas préalablement définies ni contrôlables ». Il en résulte ainsi une violation du principe d’égalité de traitement, non-justifiée par des raisons objectives et pertinentes (Cass. Soc. 5 novembre 2025, n°24-11.723).
ACTION DE GROUPE: Une action de groupe est recevable pour des discriminations ayant débuté avant l’entrée en vigueur de la loi qui l’a instituée.
La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIᵉ siècle, qui a instauré l’action de groupe en matière syndicale, en a limité l’application aux seuls faits postérieurs à son entrée en vigueur. En dépit de cette limitation, la Fédération des travailleurs de la métallurgie (CGT) a engagé une action de groupe relative à des pratiques discriminatoires dont certains de ses membres étaient victimes, et ce, antérieurement à 2016. Les juges du fond avaient rejeté la demande, retenant que les faits en cause étaient antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi, de sorte qu’elle ne pouvait s’appliquer. La Cour de cassation considère au contraire que les juges du fond devaient rechercher si les faits en cause n’avaient pas perduré après l’entrée en vigueur de la loi de 2016. Ainsi, avant d’écarter l’application de ladite loi, les juges du fond doivent rechercher si « des éléments de fait, présentés comme laissant supposer l’existence d’une discrimination […] n’avaient pas cessé de produire leurs effets postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi » (Cass. Soc. 5 novembre 2025, n°24-15.269).
LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE: Des propos à connotation sexuelle tenus par un directeur commercial, même sous couvert d’humour, justifient son licenciement pour faute grave.
En l’espèce, un directeur commercial avait été licencié pour faute grave après avoir diffusé, dans un groupe de discussion, des messages à connotation sexuelle, sexiste, raciste et stigmatisants en raison de l’orientation sexuelle d’un collaborateur. Il contestait la sanction en soutenant que ces échanges relevaient de sa vie personnelle et qu’ils s’inscrivaient dans un registre humoristique. La cour d’appel a écarté cet argument et jugé que les propos « inacceptables au sein de l’entreprise, et ce d’autant plus qu’ils s’étaient répétés à plusieurs reprises (…) avaient heurté certains salariés ». Au visa de l’article L.4122-1 du Code du travail, la chambre sociale approuve donc la cour d’appel d’avoir constaté « que le comportement du salarié, sur le lieu et le temps du travail, de nature à porter atteinte à la santé psychique d’autres salariés, rendait impossible son maintien au sein de l’entreprise » (Cass. Soc. 5 novembre 2025, n°24-11.048).
TELETRAVAIL: L’instauration du télétravail prescrit pour raisons médicales ne peut être refusée au seul motif que le salarié s’oppose à une visite patronale à son domicile.
En l’espèce, un médecin du travail avait recommandé l’instauration de journées de télétravail pour une salariée. L’employeur s’y était opposé après que la salariée a refusé que ce dernier visite son domicile. La salariée a saisi le conseil de prud’hommes, estimant que l’absence de mise en place de jours de télétravail constituait un manquement à l’obligation de sécurité et que l’exigence d’un droit de visite à son domicile porterait atteinte à sa vie privée. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en ces termes : « l’employeur avait refusé la mise en place du télétravail préconisé au seul motif que la salariée s’était opposée à la visite de son domicile, ce dont elle aurait dû déduire un manquement à l’obligation de sécurité » (Cass. Soc. 13 novembre 2025, n° 24-14.322).
EXPATRIATION: En cas de salarié expatrié, la qualification de travail dissimulé ne s’applique qu’aux seules obligations prévues par le droit français.
Un salarié italien avait été embauché par une entreprise française pour exercer son activité en Belgique. Certaines clauses de son contrat de travail renvoyaient au régime français, tandis que d’autres se référaient au système belge. Le salarié a saisi une juridiction française, en invoquant notamment l’infraction de travail dissimulé, au motif qu’une partie de sa rémunération avait été versée en dehors du cadre prévu par le système belge. La Cour de cassation a écarté ces prétentions, considérant que « l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié […] n’est pas constituée lorsque l’employeur français d’un salarié expatrié s’est soustrait intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes sociaux de l’État membre de l’Union européenne compétent ». Ainsi, les irrégularités reprochées à l’employeur ne relèvent que des autorités belges : une fraude au système belge ne peut, à elle seule, caractériser une infraction de travail dissimulé au regard du droit français (Cass. Soc. 5 novembre 2025, n°23-10.637).