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LE DROIT DU TRAVAIL FACE A L’EPIDEMIE DE COVID-19:
Le 16 mars 2020, le Président de la République a déclaré la France « en guerre » contre le Covid-19. Quelques jours plus tard, l’ensemble du territoire français a été placé en état d’urgence sanitaire, ce qui entraîne un certain nombre de conséquences au regard du droit du travail. Un rapide état des lieux s’impose.
1. LE TEXTE « SOCLE »: La Loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 déclare l’état d’urgence sanitaire pour une durée de 2 mois à compter de sa publication (le 24 mars 2020) et habilite le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, dans un délai de 3 mois à compter de la publication de la loi, des mesures d’urgence, notamment en matière de droit du travail, dans les domaines suivants :
- Rupture du contrat de travail/ activité partielle
- Indemnité complémentaire maladie
- Congés payés/jours de repos/JRTT
- Temps de travail
- Epargne salariale
- Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat
- Conseillers prud’homaux
- Services de santé au travail
- IRP
- Formation professionnelle
- Chômage
2. LES ORDONNANCES: A ce jour, plusieurs ordonnances et un décret ont déjà été publiés sur les thèmes suivants :
Activité partielleUn décret du 25 mars 2020 et une ordonnance du 27 mars 2020 sont venus modifier le régime de l’activité partielle.
Voici les principales dispositions du décret :
- L’avis du CSE peut être recueilli postérieurement à la demande d’activité partielle et être transmis à l’administration dans un délai de 2 mois maximum.
- La demande d’activité partielle peut être adressée dans un délai de 30 jours à compter du placement des salariés en activité partielle.
- Jusqu’au 31 décembre 2020, le délai d’acceptation exprès ou tacite des demandes d’autorisation est ramené de 15 à 2 jours.
- Le taux horaire de l’allocation d’activité partielle est égal à 70% de la rémunération horaire brute, limitée à 4,5 fois le taux horaire du SMIC, celui-ci ne pouvant être inférieur à 8,03 euros.
- L’autorisation d’activité partielle peut être accordée pour une durée de 12 mois maximum.
- Le dispositif de l’activité partielle est ouvert aux salariés en forfait jours.
Ces dispositions s’appliquent aux demandes d’indemnisation adressées ou renouvelées depuis le 1er mars 2020 (Décret n°2020-325 du 25 mars 2020 ).
L’ordonnance apporte, quant à elle, des précisions sur :
- Le calcul de l’indemnisation pour certaines catégories de salariés (salariés à temps partiel, en contrat de professionnalisation, en formation, en forfait jours).
- L’élargissement du dispositif aux entreprises publiques, aux salariés de particuliers employeurs, aux entreprises étrangères qui n’ont pas d’établissement en France mais qui emploient au moins un salarié en France et aux salariés des régies qui gèrent un service public à caractère industriel et commercial de remontées mécaniques ou de pistes de ski.
- Le « sort » des salariés protégés : l’ordonnance prévoit que l’activité partielle s’impose au salarié protégé, dès lors qu’elle affecte tous les salariés de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier auquel est affecté l’intéressé.
- L’assujettissement à la CSG de l’indemnité d’activité partielle ainsi que de l’indemnité complémentaire versée par l’employeur en application d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale (Ordonnance n°2020-346 du 27 mars 2020).
Le Ministère du travail a également établi et met à jour un questions-réponses sur le dispositif exceptionnel d’activité partielle (Questions-réponses, Dispositif exceptionnel d’activité partielle). Enfin, le contingent d’heures indemnisables au titre de l’allocation d’activité partielle a été porté à 1.607 heures par salarié jusqu’au 31 décembre 2020 (Arrêté du 31 mars 2020 ).
Congés payés, jours de repos et temps de travailUne ordonnance du 25 mars 2020 prévoit les mesures suivantes :
- Possibilité pour l’employeur, après conclusion d’un accord d’entreprise ou de branche, d’imposer ou de modifier les dates de prise des congés payés dans la limite de 6 jours ouvrables et sous réserve de respecter un délai de prévenance d’au moins 1 jour franc.
- Possibilité pour l’employeur d’imposer ou modifier unilatéralement les dates de prise des JRTT, des jours de repos prévus par une convention de forfait ou des jours de repos résultant des droits affectés sur le compte-épargne-temps, sous réserve de respecter un délai de prévenance d’au moins 1 jour franc, et dans la limite de 10 jours.
- Possibilité pour les entreprises relevant de secteurs d’activité particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale (la liste des entreprises concernées sera fixée par décret) de déroger aux durées maximales de travail, au repos quotidien et au repos dominical. L’utilisation de ces dérogations nécessite l’information du CSE et de la Direccte (Ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 ).
Une ordonnance du 25 mars 2020 supprime la condition d’ancienneté d’un an pour bénéficier de l’indemnité complémentaire aux allocations journalières, et ce jusqu’au 31 août 2020.
L’ordonnance reporte également la date limite de versement aux bénéficiaires ou d’affectation sur un plan d’épargne salariale ou un compte courant bloqué des sommes attribuées en 2020 au titre de l’intéressement ou de la participation au 31 décembre 2020 (Ordonnance n°2020-322 du 25 mars 2020 ).
ChômageUne ordonnance du 25 mars 2020 prévoit la prolongation, pour les demandeurs d’emploi qui épuisent leurs droits à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à une date qui sera fixée par arrêté, de la durée de versement de leur allocation pour une durée qui sera également fixée par arrêté (Ordonnance n°2020-324 du 25 mars 2020 ).
Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (dite « PEPA »)Une ordonnance du 1er avril 2020 assouplit les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.
Elle reporte d’abord la date limite de versement de la prime du 30 juin au 31 août 2020. Elle permet ensuite à toutes les entreprises (sans nécessité d’un accord d’intéressement) de verser cette prime exceptionnelle exonérée, jusqu’à 1.000 euros, de cotisations et contributions sociales et d’impôt sur le revenu. Pour les entreprises disposant d’un accord d’intéressement, ce plafond est relevé à 2.000 euros. Enfin, afin de permettre de récompenser plus spécifiquement les salariés travaillant pendant l’épidémie de covid-19, un nouveau critère de modulation du montant de la prime pourra également être retenu par l’accord collectif ou la décision unilatérale de l’employeur mettant en œuvre cette prime. Il sera désormais possible de tenir compte des conditions de travail liées à l’épidémie (Ordonnance n°2020-385 du 1er avril 2020 ).
Services de santé au travailUne ordonnance du 1er avril 2020 prévoit notamment que les visites médicales qui doivent être réalisées à compter du 12 mars 2020 dans le cadre du suivi individuel de l’état de santé du salarié peuvent faire l’objet d’un report dans des conditions qui seront définies par décret, sauf si le médecin du travail estime qu’il est indispensable de maintenir la visite. Cela concerne les visites d’information et de prévention après embauche, les visites pour les travailleurs en suivi individuel renforcé et les visites des intérimaires et des salariés en CDD. Ne sont pas visées les visites de reprise après un arrêt de travail (Ordonnance n°2020-386 du 1er avril 2020 adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire et modifiant le régime des demandes préalables d’autorisation d’activité partielle).
Formation professionnelleParmi les mesures prévues pour sécuriser la formation pendant la crise du covid-19, une ordonnance du 1er avril 2020 prévoit notamment la possibilité pour l’employeur de reporter l’entretien professionnel faisant un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié jusqu’au 31 décembre 2020 ainsi que la possibilité de prolonger, par avenant, les contrats d’apprentissage et de professionnalisation dont la date de fin d’exécution survient entre le 12 mars et le 31 juillet 2020 (Ordonnance n°2020-387 du 1er avril 2020 ).
IRPLes règles relatives aux réunions des instances représentatives du personnel et aux élections professionnelles pendant l’état d’urgence sanitaire ont été aménagées par une ordonnance du 1er avril 2020.
En voici les principales mesures :
- Suspension, à compter du 12 mars 2020, des processus électoraux engagés avant le 3 avril 2020, et ce jusqu’à une date fixée à 3 mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
- Suspension des processus électoraux qui doivent être engagés pendant l’état d’urgence sanitaire, la procédure devant être engagée dans les trois mois qui suivent la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (soit avant le 24 août 2020).
- Prorogation des mandats des élus et protection contre les licenciements pendant la durée de la prorogation.
- Possibilité de tenir les réunions des instances représentatives du personnel par visioconférence, conférence téléphonique (dans les conditions qui seront fixées par décret) ou messagerie instantanée (dans les conditions qui seront fixées par décret et en cas d’impossibilité de recourir à la visioconférence ou à la conférence téléphonique ou lorsqu’un accord d’entreprise le prévoit).
Dans tous les cas, l’employeur doit préalablement informer les membres de l’instance de ces modalités de tenue de la réunion.
- La décision d’imposer ou de modifier les dates de prise des jours de repos ou de mettre en œuvre les dérogations à la durée du travail ou au repos dominical, en application de l’ordonnance n°2020-323, doit donner lieu à l’information immédiate du CSE. Son avis est rendu dans le délai d’un mois à compter de cette information. L’employeur peut toutefois mettre en œuvre ces mesures avant que le CSE ait rendu son avis (Ordonnance n°2020-389 du 1er avril 2020 ).
3. LES INFORMATIONS COMMUNIQUÉES PAR LE MINISTÈRE DU TRAVAIL: En cette période d’urgence sanitaire, les interrogations fusent autant sur la situation sanitaire que sur les remèdes à y apporter et les mesures que les employeurs doivent mettre en œuvre.
Indépendamment des avis et/ou des recommandations qu’un avocat-conseil pourra leur apporter compte tenu d’une situation donnée, on signalera l’existence d’un questions/réponses pour les entreprises et les salariés, qui est publié par le Ministère du travail et régulièrement mis à jour (Questions/réponses pour les entreprises et les salariés).
Il est rappelé à cet égard que « la principale recommandation pour les entreprises est de placer leurs salariés en télétravail autant que faire se peut et d’éviter les déplacements professionnels. Elles doivent également appliquer les mesures recommandées pour aménager les postes de travail notamment pour permettre une distance d’un mètre entre les salariés ».
Cela implique notamment de mettre à jour le document unique d’évaluation des risques et de consulter (à distance) les institutions représentatives du personnel.
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